Point de presse conjoint à l’issue de la 3e session plénière du Conseil de coopération franco-néerlandais

Point de presse conjoint du ministre des Affaires étrangères, M. Philippe DOUSTE-BLAZY, et du ministre néerlandais des Affaires étrangères, M. Bernard BOT
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- Propos de M. DOUSTE-BLAZY -

Monsieur le Ministre, Cher Bernard,
Messieurs les vice-Présidents,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

C’est avec beaucoup de joie que nous nous retrouvons ici, à proximité immédiate d’un lieu - le salon de l’Horloge - si évocateur pour l’histoire de la construction européenne, cette belle aventure à laquelle Français et Néerlandais ont voulu s’associer dès l’origine.

Bernard Bot et moi nous sommes entretenus ce matin : je crois pouvoir dire que nous avons pu, une nouvelle fois, mesurer la force de cet engagement européen commun.

Je l’ai répété à mon collègue et ami : la France entend que le projet européen se poursuive, fidèle à l’ambition des "pères fondateurs", celle d’une Europe politique.
Evidemment, les développements du projet suscitent des craintes et des interrogations : les référendums de nos pays respectifs en témoignent.

Aujourd’hui, nous devons répondre à ces inquiétudes, prouver que l’Europe n’est pas une menace, mais une chance pour nos pays et pour les citoyens.
L’Europe est porteuse de valeurs et d’un modèle économique et social, associant au mieux les exigences de solidarité, de protection et d’équité, mais aussi, c’est vrai, de compétitivité et de liberté.

Où devons-nous mettre le curseur, entre la compétitivité de nos entreprises face à la concurrence internationale et la protection sociale ? C’est cela que nous devons définir.

C’est avec cette conviction que nous voulons par exemple voir l’Union s’affirmer comme un acteur autonome sur la scène internationale. Mais c’est aussi la raison qui conduit la France à se montrer vigilante dans le cadre des négociations commerciales à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Ces enjeux majeurs liés à l’Europe et à sa place dans la mondialisation tracent bien sûr autant de perspectives communes pour la relation bilatérale ancienne et profonde qui unit les Pays-Bas et la France.

Bernard Bot et moi-même avons été heureux d’inaugurer ce matin la troisième session plénière du Conseil de coopération franco-néerlandais. Cette session a permis de confirmer toute la substance de notre relation bilatérale, à travers des projets concrets, favorisant le rapprochement de nos deux sociétés civiles, parallèlement à notre dialogue politique.

Parmi ces initiatives concrètes, la réunion de jeunes talents que je salue ici, qui s’est ouverte hier ici à Paris, constitue d’ores et déjà le temps fort et prometteur de nos rencontres.

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C’est une idée féconde, une belle idée qu’ont eue les promoteurs de cette rencontre en réunissant, pour débattre de l’Europe, de jeunes acteurs, français et néerlandais, de la politique, de l’économie mais aussi de la communication, de la science et de la création. Les enjeux liés à la construction européenne sont, par excellence, des enjeux d’avenir qui intéressent au premier chef la jeunesse. Et c’est avec beaucoup d’intérêt, beaucoup d’espoir aussi que Bernard Bot et moi-même attendons de prendre connaissance des conclusions de ces débats.

Je voudrais simplement, sur le plan personnel, dire que, si je me suis engagé dans la vie politique, c’est pour l’Europe et que, le 29 mai, quelques heures avant vous, lorsque j’ai vu le résultat négatif en France sur le référendum européen, lorsque j’ai vu que cette Constitution qui apportait énormément de choses positives avait été balayée, après une campagne difficile qui ne portait pas sur les vrais sujets mais sur les sujets annexes, je me suis dit que l’Europe allait peut-être s’arrêter. Pourquoi ? Peut-être parce que nous n’avons pas su expliquer, dans ce pays, ce qu’est l’idéal européen des "pères fondateurs". A force de s’agrandir, nous en avons peut-être dilué l’idée et nous n’en avons pas le droit. En effet, lorsque l’on voit les jeunes ne plus suivre le projet européen, c’est parce que nous, la génération précédente, nous n’avons pas su expliquer l’idée.

L’idée est simple, c’est seulement l’histoire d’hommes et de femmes, dans le monde, qui décident, pays par pays, de perdre un tout petit peu de leur souveraineté au profit de la force de l’ensemble. Cela ne s’est jamais vu nulle part ailleurs.

Après la Politique agricole commune (PAC), après d’autres politiques, il faut passer à des dépenses d’avenir et de croissance. Il nous manque 1,5 % de croissance par rapport aux Etats-Unis. Il faut que nous réfléchissions à une grande politique de la recherche, de l’innovation, du développement, de la matière grise. Il faut essayer d’être au niveau des enjeux à venir. Et il n’y a rien de mieux que les jeunes talents pour nous aider à faire cela.

Je vous remercie, nous allons entendre mon homologue.

Q - (A propos des systèmes de protection sociale français et néerlandais)

R - Lorsque vous parlez de la protection sociale, lorsque vous parlez d’un éventuel paradoxe ou plutôt conflit entre la vision britannique et la vision française, je vais vous dire : Lord Beveridge, Britannique, a inventé la protection sociale, l’assurance maladie, système basé sur l’impôt. Bismarck a quant à lui inventé la sécurité sociale, basée sur les charges sociales. Deux visions différentes mais basées sur une vision qui met l’homme, la personne humaine, au cœur de la société. Les Britanniques et les Français, comme les Allemands, ont toujours été au cœur de cette idée européenne, l’idée de maintenir la solidarité aux côtés de la liberté et de la compétitivité, l’idée de réguler le libéralisme. Nous ne sommes ni des Américains, ni des Indiens, ni des Chinois, ni des Brésiliens, nous ne sommes ni mieux ni moins bien, mais nous avons des valeurs de solidarité aux côtés des valeurs de liberté. C’est ainsi.

Après il y a un autre débat aujourd’hui pour savoir si ce budget européen contient trop de charges sociales qui pèsent "sur le dos" des entreprises, au risque de les voir délocaliser. Où devons-nous mettre le curseur ?

Je crois qu’il serait très léger de notre part de balayer, d’un revers de main, l’idée d’associer la solidarité et le libéralisme. Ce serait une erreur colossale de l’Union européenne. Maintenant, en effet, nous discutons pour savoir jusqu’où nous pouvons aller ; à titre personnel, je pense que, plus on avancera dans l’Union, plus nombreux seront les pays qui auront une harmonisation fiscale, qui auront leur mot à dire sur le plan de la gouvernance économique. Il faut savoir également que la BEI ne peut être, à elle seule, l’alpha et l’oméga de la politique économique et budgétaire et que les hommes politiques sont là. Ils prennent des risques, en se faisant élire ou battre aux élections au suffrage universel et donc, ces chefs d’Etat et de gouvernement ont le droit de dire leur mot dans la politique économique, budgétaire et fiscale. C’est aux politiques de parvenir à trouver un équilibre, sur le curseur, entre protection sociale d’un côté et compétitivité des entreprises de l’autre, ce n’est certainement pas en ayant de fausses querelles.

Q - M. Mandelson a évoqué, hier encore, les négociations sur l’OMC. Il a dit que puisque l’Europe avait promis de faire des efforts sur l’ouverture du marché, l’Union serait obligée d’aller plus loin encore que les offres faites précédemment. Quelle est la position de la France sur ces propositions ?

R - Nous avons rencontré M. Mandelson et, comme vous le savez, nous avons une entière confiance dans les institutions européennes. Nous avons confiance dans le Conseil, dans la Commission et le Parlement.

Simplement, il y a des règles du jeu. Les femmes et les hommes politiques qui sont élus par les peuples ont des responsabilités. Ils fixent le cap politique, ils fixent le cadre des négociations. Ensuite, une fois ce cadre de négociations fixé, c’est au commissaire de négocier pour le compte de l’Union et au sein de l’OMC. Nous avons rappelé à M. Mandelson que Doha était avant tout le moment du développement et que, pour l’instant, en matière de développement, les pré-négociations marquent le pas, qu’elles ne vont pas suffisamment vite. Si nous ne voulons pas avoir une catastrophe dans les 10 ou 20 ans qui arrivent, il faut que les pays du Sud, les pays plus pauvres aient leur mot à dire sur le plan du commerce international.

A ce sujet, nous recevons dix fois plus d’importations agricoles des pays du Sud que les Etats-Unis, je parle de l’Union européenne.

On a dit également qu’il fallait que la négociation soit équilibrée entre l’industrie, les services et l’agriculture. Il n’y a aucune raison de se servir de l’agriculture pour, ensuite, avoir des résultats dans l’industrie et les services.

De plus, avec la crise de la grippe aviaire - et nous sommes d’accord tous les deux, nous avons porté cette question au Conseil Affaires générales -, on voit aujourd’hui l’importance pour l’Union européenne d’être indépendante sur le plan alimentaire et d’avoir le meilleur système de sécurité alimentaire au monde. Je trouve d’autant plus paradoxal d’attaquer la Politique agricole commune alors que nous avons là un cas précis qui nous fait dire que nous avons eu raison d’avoir une telle politique.

Les Américains ne font pas cela, ils poussent leurs agriculteurs, il n’y a donc pas de raison, si eux le font, pour que nous ne puissions pas le faire aussi.

Nous avons réalisé, en 2002, la réforme de la PAC, nous sommes passés de 0,6 % du PIB européen à 0,4 %. Nous avons baissé nos aides à l’exportation, nous avons baissé nos aides directes, maintenant que tout cela est fait, il faut que les Américains fassent la même chose et nous verrons ensuite pour les frais de douane. Mais qu’ils le fassent d’abord. Ils disent qu’ils vont le faire, mais, dans la vie politique, dire que l’on va faire quelque chose et puis le faire réellement, ce n’est pas pareil.

Je pense que les jeunes seront d’accord avec moi à ce sujet.

Je pense que M. Mandelson doit d’abord insister sur le fait que les Américains doivent baisser leurs aides avant qu’ils ne nous demandent de continuer à revoir à la baisse le dispositif PAC pour l’accès au marché. Et nous sommes là aussi pour défendre la préférence communautaire.

Q - Concernant le Tribunal que vous proposiez d’installer aux Pays-Bas pour l’affaire de l’assassinat de M. Hariri, était-ce uniquement un réflexe ? Et, Monsieur Douste-Blazy, la France en est-elle d’accord ?

R - Permettez-moi de dire simplement qu’avant de parler de tribunal, il faut d’abord parler de la résolution 1595 du Conseil de sécurité des Nations unies, c’est une résolution très précise qui confie la charge de l’enquête sur les conditions de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, à une Commission d’enquête criminelle. Cette Commission d’enquête criminelle a été confiée à un grand juge indépendant, déterminé, et qui a fait son travail. Ce rapport est devant le Conseil de sécurité à partir d’aujourd’hui. Il y aura des concertations entre les délégations. C’est une affaire de justice, ce n’est pas une affaire politique et la France plaide pour que nous puissions aller jusqu’au bout de la logique de la justice, c’est-à-dire celle de la Commission d’enquête criminelle, c’est-à-dire celle de la résolution 1595.

A partir de là, il y aura des suspects, il y aura des preuves et, bien évidemment, le Conseil de sécurité prendra ses responsabilités.

Merci beaucoup./.

Dernière modification : 20/10/2021

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