Presse néerlandaise du mardi 11 octobre 2005

Il y a aujourd’hui 25 ans que le parti chrétien-démocrate CDA (Christen-Democratisch Appèl) est né de la fusion du parti catholique populaire KVP, du parti antirévolutionnaire ARP et de l’union chrétienne historique CHU, les "groupes sanguins" de la nouvelle formation, dont les particularismes se font encore sentir à ce jour. Le CDA a fourni le premier ministre pendant dix-sept ans.
"Le parti est de retour au centre du pouvoir", écrit l’éditorialiste du journal chrétien progressiste Trouw, "il dispose d’un solide fondement idéologique dans les valeurs chrétiennes qu’il défend et dans sa base socialement active (73 000 membres) d’un réseau qui est d’une grande valeur dans la société décloisonnée."

-NRC Handelsblad d’hier soir : "Angela Merkel sera chancelière - Les partis s’accordent sur une grande coalition", "’C’est la fin du monde’ - Plus de 20 000 morts dans le Sud de l’Asie"
-de Volkskrant : "L’Allemagne-d’après-Schröder commence sans prétention", "Merkel sera chancelière, mais le SPD fournira huit ministres", "Le Pakistan accepte l’aide de l’Inde après le tremblement de terre"
-Trouw : "Des pillages dans la zone sinistrée - Beaucoup de survivants privés d’aide, le Pakistan sollicite l’aide de l’OTAN"
-De Telegraaf : "Soutien aux critiques de Cruyff - La Deuxième Chambre veut imposer moins les bonnes œuvres", "Merkel écrit l’histoire - La Haye satisfait"
-AD Haagsche Courant : "Première arrestation après les attentats de Bali", "Les Marocaines se ruent sur les centres de traitement au laser" (enlèvement des tatouages traditionnels)

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NOTRE DOSSIER :Soutien néerlandais à la guerre d’Irak

Le Volkskrant consacre aujourd’hui presque une page d’opinion au "dossier Irak" : le politologue Bart Tromp estime que le soutien néerlandais à l’offensive américano-britannique est une "honte", l’historien Thomas von der Dunk appelle le D66 à exiger une enquête parlementaire et les journalistes Karel van Wolferen et Jan Sampiemon s’interrogent sur les motifs du comportement du chef de la diplomatie néerlandaise à la Deuxième Chambre.
"C’était un spectacle médiéval à la Chambre, la semaine dernière", fait valoir Tromp. "Le ministre des Affaires étrangères Ben Bot s’est demandé tout haut si le monde, d’aventure, n’était pas rond. Les partis gouvernementaux étaient effarés. Le président du groupe parlementaire CDA, Maxime Verhagen, a estimé que le ministre mélangeait tout et le député VVD Van Baalen s’est fâché : tout le monde savait bien que le monde est plat ! Cela se voit bien ! Le salut est venu du premier ministre : le monde était toujours aussi plat que l’avait constaté son premier gouvernement il y a trois ans. Il a jugé en toute modestie que conserver ce point de vue était une forme louable de cohérence."
"Ainsi, la Chambre a manqué la nième occasion de discuter enfin ouvertement des raisons pour lesquels le gouvernement néerlandais a approuvé la guerre que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont commencée contre l’Irak en mars 2003. En effet, les raisons données officiellement sont non seulement douteuses et contradictoires, mais aussi absurdes et partiellement contraires à la Constitution néerlandaise."
"’Pour moi, la légitimité de l’action de la communauté internationale est ancrée dans la question des armes de destruction massive’, a déclaré le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Jaap de Hoop Scheffer. Le premier ministre Balkenende a même invoqué la communication confidentielle des données britanniques sur ces armes de destruction massive que le premier ministre Blair lui avait faite. Il est désormais établi que le premier ministre Blair n’avait aucune preuve de leur présence, pas plus que le président Bush fils." "On attribue maintenant la responsabilité de l’invocation d’armes de destruction massive inexistantes à la défaillance des services de renseignement. Mais c’étaient Bush, Blair et leurs acolytes qui avaient menti sur l’existence et la ’menace immédiate’ des armes de destruction massive de Saddam Hussein."
"Le gouvernement néerlandais n’avait évidemment aucune preuve. Pourquoi s’est-il associé à ce mensonge ? Tout porte à croire que les services de renseignement néerlandais étaient sceptiques concernant les affirmations des services britanniques et américains, indépendamment de ce que Bush et Blair avaient fabriqué sur ces bases."
"Lorsqu’il est apparu que ces armes n’existaient pas, le gouvernement et les partis gouvernementaux, prenant le contre-pied que ce qu’ils disaient avant, ont affirmé que les Pays-Bas n’avaient pas soutenu la guerre à cause de ces armes." "On ne peut que conclure que le gouvernement néerlandais a soutenu une guerre qui, selon lui, a commencé pour de très mauvaises raisons, bien que je ne sache pas que le premier ministre Balkenende l’ait fait remarquer à Bush durant le petit déjeuner à la Maison Blanche par lequel le gouvernement américain a exprimé sa gratitude pour notre soutien."
"Depuis qu’il est apparu que les armes de destruction massive n’existent pas, on justifie le soutien en disant que Saddam Hussein ne respectait pas les résolutions du Conseil de Sécurité." "Il faut bien comprendre la portée de cet argument : il signifie que tout Etat peut commencer une guerre contre un autre Etat lorsque le premier estime que le second n’a pas respecté une résolution du Conseil de Sécurité. Même Bush et Blair n’ont pas osé adhérer à une thèse aussi bizarre."
"Je ne parle pas de l’argumentaire belliqueux propagé par le VVD, par le biais du député Van Baalen : ’Saddam Hussein était un dictateur et il fallait s’en débarrasser’. Ce parti croit pouvoir regagner son électorat en suivant un cap populiste de droite." "L’affirmation du premier ministre Balkenende selon laquelle c’était à Saddam Hussein de prouver la non-existence des armes de destruction massive irakiennes n’est guère d’un niveau plus élevé : c’est une affirmation absurde parce qu’il est impossible de prouver la non-existence de quelque chose qui n’existe pas. Il est impensable que Balkenende justifie le soutien à une guerre offensive à un tel niveau d’argumentation. Je considère la façon dont les Pays-Bas - c’est-à-dire les deux gouvernements Balkenende et les partis gouvernementaux qui les soutiennent ou les ont soutenus - ont choisi de soutenir la guerre contre l’Irak et dont ils persistent comme une atteinte aussi grave que honteuse à la démocratie parlementaire et à l’Etat de droit national et international. L’attitude du premier ministre dans cette question ne se résume que d’une façon : elle est de plus en plus grossière."
Pour Karel van Wolferen et Jan Sampiemon, "les déclarations de Bot ont en tout cas attiré l’attention sur le marais dans lequel les Pays-Bas se sont enfoncés à la main des Américains et des Britanniques". "En rompant l’unité politique, il a défendu les intérêts du pays car en soutenant l’occupation de l’Irak et les actions en Afghanistan, le gouvernement a fait du pays une cible potentielle du terrorisme international."
"Une autre question est de savoir ce qui doit arriver pour que le gouvernement Balkenende veuille bien se pencher sur un dossier dont il ne s’est apparemment jamais occupé : l’Alliance atlantique. Pendant plus d’un demi-siècle, l’élite politique n’a pas eu besoin de réfléchir à sa propre sécurité, parce qu’elle allait de soi. Cette élite a tendance à se désintéresser des grands événements, sous prétexte que les petits Pays-Bas ne sont guère significatifs et qu’ils n’ont donc pas à se soucier de ce qui préoccupe les grands de la terre. Bien qu’on n’entende plus dire qu’on ne peut rien faire sans l’Amérique, en se retranchant derrière cette idée d’insignifiance on perd de vue l’isolement qui attend les Pays-Bas en tant que vassal sans protection des Etats-Unis."
"En attendant, en invoquant le ’secret d’Etat’, comme Balkenende l’a fait à la Chambre, en disant qu’il ’faut nous faire confiance’, comme le ministre Kamp, et en rabâchant l’argument des résolutions qui justifiaient l’invasion de l’Irak, le gouvernement offense gravement l’intelligence du peuple néerlandais."
"Le dualisme est devenu une farce", affirme Von der Dunk. "Il ne reste plus rien de la fonction de contrôle de la Chambre." "C’est le Catshuis [résidence du premier ministre] qui décide quelles informations on ne fournit pas à l’opposition comme étant ’trop confidentielles’ - à savoir toutes celles qui exposeraient la carence du gouvernement, comme les mauvais prétextes sous lesquels De Hoop Scheffer a foncé en Irak, pour accroître ses chances au poste de secrétaire général de l’OTAN. Cette coalition commence à devenir un danger pour la démocratie."
"La Vieille Politique est revenue beaucoup plus vite que ne le craignait Fortuyn, avec la résurrection en 2002 du CDA comme pouvoir officieux, incarné dans la personne de Maxime Verhagen." "Powell a déjà reconnu ses gaffes, Blair est sur la sellette dans son propre camp, mais - comme d’habitude - les Pays-Bas sont les derniers à bouger."
"Après Brinkhorst, Dittrich a déclaré à son tour qu’il faut ouvrir le dossier Irak. Si les Démocrates veulent garder un brin de crédibilité, ils doivent en effet faire de la question Bot un point de rupture." "Le D66 doit exiger maintenant une enquête parlementaire."

ACTUALITE INTERNATIONALE

Allemagne

"Après exactement trois semaines de poker pour le pouvoir, la leader de la CDU, Angela Merkel (51 ans) écrit l’histoire", annonce le Telegraaf à la une. "Elle sera non seulement la première chancelière fédérale allemande, mais aussi le premier chancelier originaire de l’ex-RDA. La ’petite de Helmut Kohl’ aura réalisé ses plus hautes ambitions dès que la coalition entre la CDU et le SPD sera couchée sur le papier."
"La candidature d’Angela Merkel a été bien accueillie aux Pays-Bas", écrit le journal populaire dans un encadré. "Les partis de la coalition CDA-VVD-D66 soulignent surtout l’énorme importance de l’économie allemande pour nos exportations."
"Le leader CDA Verhagen est satisfait de cette âme sœur qu’il décrit comme ’une femme énergique’. Le député VVD Van Baalen est heureux qu’on mette fin à la ’politique d’expédients de Schröder’. Le député PvdA Koenders espère aussi la réussite des tentatives de réforme, fut-ce de façon plus sociale, dans l’intérêt des Pays-Bas. ’Elle me paraît être une femme décidée, mais avec huit ministres SPD elle aura évidemment les ailes rognées’."

Pour l’éditorialiste du Telegraaf, le retrait du chancelier Schröder "n’est pas une grande perte pour l’Allemagne et le monde". "Il faut espérer que la nouvelle grande coalition ne poursuivra pas son cap hésitant."

"Ce que l’Allemagne - et l’Europe - attendent surtout, c’est un gouvernement qui relance l’économie avec élan et ingéniosité", remarque aussi le Volkskrant.

ACTUALITE INTERIEURE

Débat sur la radicalisation

"Le gouvernement va travailler rapidement à l’amélioration du contrôle aux frontières", relève le Trouw (p.6). "Il va aussi voir si le port de la burqa en public peut être interdit. Le gouvernement a pris ces deux engagements vis-à-vis de la Deuxième Chambre hier, durant toute une journée de débat sur la radicalisation (surtout parmi les jeunes musulmans) et sur la lutte contre le terrorisme (surtout celui des musulmans extrémistes). Tous les groupes parlementaires n’étaient pas satisfaits de la manière dont le gouvernement traite ces questions. L’opposition de gauche (PvdA, GroenLinks, SP) lui a reproché de ne pas faire suffisamment attention au terreau des idées radicales."
"’Ne mettez pas tous les musulmans dans le même sac’, a dit le député PvdA Dijsselbloem aux ministres Donner (CDA, Justice) et Verdonk (VVD, Intégration). ’Si vous voulez que les jeunes s’attachent à la société néerlandaise, il ne faut pas propager des messages à double sens.’ De Wit (SP) a rappelé l’inégalité de revenu dans le monde et les ’humiliations quotidiennes’ que subissent les musulmans. En revanche, il est établi pour le VVD et les députés Nawijn et Wilders que si ce n’est pas l’islam, c’est tout de même le courant qu’on désigne par ’islam pur’ qui est de nature intolérante et violente. Selon ces députés le gouvernement en sous-estime le danger. ’Le ministre Donner entrera bientôt dans les annales comme ce pauvre ministre qui n’avait rien remarqué’, selon Hirsi Ali (VVD). ’Le ministre fait comme si les attentats de New York, Madrid et Londres et le meurtre de Theo van Gogh auraient aussi pu être commis par des protestants ou des bouddhistes’, a estimé Wilders."
"Donner ne discerne pas de relation directe entre l’inégalité de revenu et l’exclusion sociale d’une part et la radicalisation et le terrorisme de l’autre. Mais il refuse aussi de s’en prendre à une religion parce que les adeptes d’idées extrémistes en abusent. ’La solution ne consiste pas à abandonner l’un des piliers de notre démocratie. En surréagissant ainsi, on attise justement le radicalisme’, a-t-il dit."

AFFAIRES FRANÇAISES

Fokke Obbema, dans le Volkskrant (p.11), publie un ample reportage sur la "discrimination positive" des immigrés. "Favoriser les allochtones n’a jamais été autorisé en France. Tout le monde n’est-il pas égal ? Si cela se fait pourtant, ce n’est pas grâce au gouvernement, qui évite le débat. Les entreprises en prennent l’initiative." Le correspondant à Paris rend compte d’un entretien avec Yazid Sabeg, co-auteur du livre Discrimination positive, pourquoi la France ne peut y échapper (Calmann-Levy) et évoque les travaux de la nouvelle autorité Halde, instaurée par le président Chirac et dirigée par l’ancien PDG de Renault Louis Schweitzer.

Dernière modification : 13/02/2012

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