Presse néerlandaise du mercredi 15 octobre 2003

L’ensemble de la presse annonce le succès de la Concertation d’Automne
entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Tous les éditorialistes accueillent
favorablement cet "accord central historique", le premier d’une telle ampleur
depuis le fameux Accord de Wassenaar, en 1982.

Sur le plan international, les quotidiens rendent compte de la
présence remarquée, aux Pays-Bas, de l’ancienne ministre américaine des Affaires
étrangères et représentante des Etats-Unis auprès des Nations Unies sous Clinton,
Madeleine Albright, venue promouvoir son autobiographie.

  • NRC Handelsblad d’hier soir : "BNN recrute illégalement 7 000
    jeunes membres – Adhésion gratuite à l’organisation de radiotélédiffusion",
    "’Il faut pourtant qu’on travaille !’" (suspension du trafic
    ferroviaire à La Haye), "Accord : gel des salaires pendant deux ans"

  • De Telegraaf  : "Gel des salaires pendant deux ans – Satisfaction à
    propos d’un accord historique
    ", "’L’action de recrutement de BNN est
    contraire à la loi’"


    Algemeen Dagblad  : "Les salaires n’augmenteront pas pendant deux ans – Un
    accord unique du gouvernement, des syndicats et du patronat"


    Trouw  : "Accord historique : pas d’augmentation salariale pendant deux
    ans", "Le travail en ’chambre stérile’ est souvent sale" (procès en
    Californie)


    de Volkskrant  : "Soulagement après l’accord social – Gel salarial en
    2004, assouplissement des mesures touchant la VUT", "La crise surmonte un fossé
    qu’on croyait insurmontable"

* * *

 

Le dossier du jour : Concertation d’Automne quot ; Le patronat, les syndicats et le gouvernement ont réussi in
extremis, hier, à conclure un accord social sur deux ans
", écrit le Volkskrant
dans son grand article à la une. "Les salariés verront leur pouvoir d’achat baisser
pour deux ans. L’an prochain, les salaires n’augmenteront pas du tout, en 2005 ils
pourront augmenter un tout petit peu
."

" Le ministre des Affaires sociales De Geus, visiblement ravi, a
parlé d’un ’accord historique’
. En échange de la modération salariale, le
gouvernement a fait des concessions au mouvement syndical sur pratiquement tous les
dossiers difficiles
. Le premier ministre Balkenende a parlé d’un ’résultat
magnifique’
. Le président de l’organisation patronale VNO-NCW, Schraven, a
déclaré la ’SA Nederland’ vainqueur absolu
. Son collègue de la centrale
syndicale FNV, De Waal, a été plus mesuré : ’Cet accord est le meilleur de toutes les
mauvaises variantes.’
Le président de la CNV, Terpstra, a conclu que ’l’aptitude des
partenaires sociaux à résoudre les problèmes est beaucoup plus grande que plus d’un ne
le pensait’. Les porte-parole du CDA, du VVD, du D66 et du PvdA ont manifesté leur
enthousiasme."

"Aux termes de l’accord, la suppression de la VUT [retraite
anticipée] et de la préretraite est reportée d’un an. Les deux arrangements seront
ensuite réduits progressivement et transformés à partir de 2005 en levensloopregeling
[une forme de salaire épargne]. Le patronat et les syndicats devront
’impérativement’ conseiller le gouvernement sur la forme à donner à ce nouvel
arrangement, avant avril prochain. Si cette recommandation ne débouche pas sur un accord
avec le gouvernement, l’accord conclu hier cessera d’être."

"Le gouvernement a également fait des concessions aux partenaires
sociaux concernant la WAO. Aucun inapte (partiel) au travail n’entrera de ce fait en
Assistance Sociale. En outre, l’allocation des inaptes à cent pour cent passera en 2007
de 70 à 75 % [du dernier salaire perçu]."

"Par ailleurs, il est toujours possible de mettre en place des
plans sociaux de reclassement, en dépit des intentions du gouvernement. Il y a également
une lueur d’espoir pour les emplois Melkert : il n’y aura pas de licenciements parmi eux
et le plus possible d’emplois Melkert seront transformés en emplois réguliers. La
commune de Rotterdam a immédiatement fait savoir hier que les 11 000 travailleurs
Melkert de cette ville garderont un emploi."

"Un autre point frappant est que les patrons dégageront des
dizaines de millions d’euros pour donner un extra aux personnes contraintes de vivre de
l’Assistance Sociale pendant une longue période."

" Cent mille chômeurs de plus et ce qui était encore
impossible il y a un an est possible
", remarque le Volkskrant dans une
analyse à la une. "Le mouvement syndical accepte en principe de geler les salaires
dans les conventions collectives pendant deux ans et le gouvernement, en échange d’un
accord, est prêt à assouplir considérablement les mesures touchant la WAO."

" En septembre, Balkenende II semble aller droit à une dure
confrontation avec les syndicats
. Mais la perception de la crise économique
s’étend à la direction du mouvement syndical et du patronat, ainsi qu’au gouvernement
.
Une confrontation ne ferait que renforcer le déclin économique . Les grèves
nuiraient encore plus à l’économie. Le patronat craint de devoir faire les frais de
nombre de mesures lors des négociations sur les conventions collectives et se rallie au
mouvement syndical dès Prinsjesdag [présentation du budget]. Les syndicats
comprennent qu’ils peuvent tirer davantage de la concertation que par le biais d’actions
.
Il y en a bien quelques-unes unes, mais le climat propice à un troc s’est créé."

" Pourtant ce n’est pas le mouvement syndical qui est sorti
gagnant de la lutte
. Le gouvernement a obtenu la modération salariale sur deux ans
qu’il souhaitait ardemment, ainsi qu’un soutien à l’adaptation de la VUT, de la
préretraite et de la WAO. Les syndicats ont seulement pu retarder les projets touchant
les retraites et la modération de la WW
[chômage]." " De Waal : ’Il
s’agit surtout de réduction des pertes, maintenant. Mais nous avons obtenu plus que
l’opposition à la Deuxième Chambre’
."

" Le modèle polder est de retour ", titre le Financieele
Dagblad
à la une. "Le graisseur VNO-NCW a rapproché l’un de l’autre le
gouvernement et le mouvement syndical. L’économie de concertation peut redémarrer pour
quelques années."

 Commentaires

" Il reste à voir si l’Accord de La Haye que le gouvernement
Balkenende II a conclu hier avec le patronat et les syndicats sera d’une importance
historique
", remarque l’éditorialiste du Trouw après avoir rappelé
l’Accord de Wassenaar, intervenu en 1982. " Pour l’instant, nous ne pouvons guère
parler que d’un résultat de négociation, mais c’est bel et bien un fait d’armes de
taille
. Le gouvernement a montré qu’il ne recherche pas la confrontation, comme le
supposait le leader PvdA Wouter Bos, mais qu’il tient à entretenir de bonnes relations
sociales." "Le mouvement syndical peut se présenter à sa base avec ce
résultat." "Le patronat, dans la perspective d’une ligne zéro de deux ans, a
pu jouer sans difficulté le rôle de lubrifiant."

" Là où le bât blesse ", selon le journal chrétien
progressiste, " c’est que les partenaires sociaux ont obtenu beaucoup plus du
gouvernement que la Deuxième Chambre
. C’est une conséquence du calendrier, mais
à la lumière de l’accord intervenu maintenant le Parlement a compté pour du beurre
."

" Le mouvement syndical, le patronat et le gouvernement ont
conclu un important accord social
", estime aussi le journal de centre-gauche de
Volkskrant
. " La fameuse tradition de coopération entre les partenaires
sociaux et le gouvernement s’avère de nouveau fructueuse
." "L’Accord
d’Automne renforce la position du gouvernement. L’équipe de Balkenende a fait preuve
de suffisamment de souplesse pour emporter le gel salarial souhaité
."

" De Waal a mis de l’eau dans son vin . Si la première
centrale syndicale n’avait pas donné son accord, elle se serait retrouvée isolée. En
apposant sa signature, De Waal reste impliqué dans le devenir socio-économique jusqu’à
nouvel ordre. Il évite en outre qu’on monte la CNV contre la FNV. La centrale syndicale
chrétienne avait adopté les dernières semaines le profil de ’l’alternative raisonnable’
au grand frère tonitruant. C’est un rôle qui convient parfaitement à la CNV. Le
président de la CNV, Terpstra, a ainsi apporté une importante contribution à l’Accord
d’Automne."

" Le modèle polder marche ", constate l’ Algemeen
Dagblad
. Le journal de Rotterdam juge cependant prématuré de qualifier cet accord
d’historique, comme l’a fait le ministre De Geus (Affaires sociales). " Ce n’est
certainement pas la première fois que le mouvement syndical est conscient de la gravité
de la situation économique et qu’il en tire des conséquences
."

"Mais la revitalisation du secteur privé néerlandais, qui a pris
un retard frappant sur la concurrence étrangère, ne peut pas découler de la seule
limitation du coût du travail. Les entreprises devront devenir nettement plus
inventives et la productivité doit augmenter
. Le recul des dépenses des
consommateurs, alors qu’ils ont encore les moyens de faire des achats, est signe d’un
manque de confiance
. Cet accord n’y changera rien. Au gouvernement de jouer
maintenant
."

" Il a fallu du temps, les négociations ont été laborieuses,
on s’est éclaboussé et des grèves prématurées ont eu lieu, mais on a fini par y
arriver
", conclut le Telegraaf qui juge cet accord "très
raisonnable". "L’accord intervenu entre les partenaires sociaux et le
gouvernement montre de nouveau que le modèle polder se porte à merveille et notre
pays, en définitive, ne peut qu’en profiter."

 

Actualité internationale

Madeleine Albright

L’ancienne ministre des Affaires étrangères du président Bill
Clinton, Madeleine Albright , est à Amsterdam pour la promotion de son
autobiographie et en profite pour donner 21 interviews
, en deux jours et demi, aux
médias néerlandais et flamands.

"Albright – née en Tchécoslovaquie et formée aux relations
internationales en Amérique après avoir fui devant Hitler et Staline – reste fière
d’être Américaine", note le NRC Handelsblad (p.5) d’hier soir dans le
chapeau d’une interview. "Mais elle ne cache pas ses critiques sur le gouvernement
Bush
. Espère-t-elle que Bush perdra les élections de 2004 ? ’Absolument !’
répond-elle sans réserve." "J’aurais aimé que nous soyons encore au pouvoir.
Nous aurions d’abord fini le travail en Afghanistan. Et nous aurions jugé différemment
les renseignements sur l’Irak."

" L’Amérique est la seule superpuissance, mais nous devons
obéir aux lois internationales
", dit-elle à propos de l’unilatéralisme du
gouvernement Bush. " Notre pays est fondé sur l’Etat de droit . Donc nous nous
portons mieux s’il y a un système international qui croit au respect des traités."

Robert van de Roer : "L’Irak est-il un plus grand danger pour
l’Amérique maintenant qu’avant la guerre ?
". Madeleine Albright :
"Certainement. L’Irak est devenu un lieu de recrutement et de rassemblement de
tous ceux qui haïssent l’Amérique
. C’est une pagaille ."

L’Irak prouve-t-il que les néoconservateurs du gouvernement américain
ont tort et que même les Pays-Bas ne peuvent pas se passer d’alliés ? " Les neocons
sont totalement à côté de la plaque s’ils pensent que les alliés affaiblissent les
Etats-Unis
. Les alliés nous renforcent . Mais l’agenda des neocons
prévoyait déjà l’invasion de l’Irak bien avant le 11 septembre
." "Même
si je trouve que les Etats-Unis sont une nation indispensable et qu’il ne se passe rien
dans une réunion, à moins que les Etats-Unis ne fassent une suggestion ou soutiennent la
suggestion d’un autre, je n’ai jamais pensé que les Etats-Unis devaient agir seuls .
Jamais !"

Redoutez-vous un dangereux fossé entre l’Europe et les Etats-Unis si
l’on poursuit cette politique américaine ? "Certainement. Mais tout n’est pas
de la faute de l’Amérique
. On peut aussi faire beaucoup de reproches aux
Français, Allemands, Russes et Chinois du Conseil de Sécurité
. Quelqu’un comme De
Villepin s’est très mal conduit." "Je suis prompte à critiquer le gouvernement
Bush, mais les Européens ont aussi une certaine responsabilité. La combinaison Chirac
– Bush détruit les Nations Unies. Chirac parce qu’il a dit qu’il opposerait un veto
à tout ce qui sortirait du Conseil de Sécurité [sur l’Irak au début de l’année]. Et
Bush parce qu’il ignorerait tout ce qui sortirait du Conseil de Sécurité. La combinaison
de ces deux personnes a entraîné la destruction de la crédibilité du Conseil de
Sécurité."

Comment résoudre le problème irakien ? "En accordant à
l’ONU un rôle directeur dans le processus politique, comme au Kosovo et au Timor-Est. Je
laisserais d’autres pays jouer un rôle dans la partie civile, et un rôle commercial dans
la distribution des contrats, tandis que le principal fournisseur de troupes, les
Etats-Unis, mènent l’opération militaire."

Espérez-vous que l’Irak sera la fin de la doctrine préventive
du gouvernement Bush ?
" Cette doctrine n’a pas de sens . Chaque pays a le
droit de se défendre. Si d’autres pays appliquent aussi la doctrine préventive, le
monde deviendra très dangereux
."

Interrogée par le Financieele Dagblad (p.7) sur le dernier
projet américain de résolution sur l’Irak
, Madeleine Albright déclare : " Il
faut des compromis des deux côtés
. Je ne crois pas que les Etats-Unis puissent
continuer de quelque manière que ce soit à jouer le rôle de force d’occupation en Irak.
Il est essentiel que le pouvoir soit transféré au peuple irakien. Mais c’est une
question de calendrier
." "Je sais par expérience que c’est une erreur de se
fixer une date butoir. On court alors le risque d’être victime de la date qu’on a
soi-même choisie."

" Il me semble que les Etats-Unis ont déjà mis assez d’eau
dans leur vin
. Les autres doivent faire attention à ne pas poser des exigences peu
réalistes
. C’est surtout valable pour la France. Les Français ont d’abord dit qu’ils
n’avaient absolument pas confiance dans le Conseil de gouvernement transitoire, parce
qu’il a été installé par les Etats-Unis. Maintenant, ils veulent que le pouvoir soit
transféré le plus vite possible à ce conseil. Cela me fait penser que les Français
veulent peut-être plutôt se montrer contrariants que de souhaiter sincèrement que les
Irakiens s’auto-administrent. Personne ne veut rester dans ce pays et je trouve que le
gouvernement Bush mérite un éloge parce qu’il essaie encore une fois d’aboutir à un
compromis au Conseil de Sécurité."

Vous aviez une bonne relation avec votre homologue français Hubert
Védrine. Pourriez-vous avoir une aussi bonne relation avec Dominique de Villepin ? "C’est
une question hypothétique, mais je ne crois pas que Hubert Védrine m’aurait traitée
comme De Villepin traite Colin Powell."

Quel préjudice pour l’image du Conseil de Sécurité l’échec des
tentatives d’aboutir à une nouvelle résolution sur l’Irak aurait-il ? "Ce
serait un grand revers. Il est dans l’intérêt de tout le monde de ne pas laisser
croître le chaos en Irak. Je pense que la France risque de forcer son jeu. Je ne
comprends pas pourquoi un pays qui doit une aussi grande partie de pouvoir à son droit de
veto au sein du Conseil de Sécurité fait tant pour le paralyser."

Le Trouw (p.14) s’intéresse davantage aux mémoires de
Madeleine Albright et ne l’interroge pas sur la question irakienne. Quant au Telegraaf
(p.15), il évoque avec elle sa vie de femme et de mère.

 

Actualité intérieure

Monarchie

" La LPF veut qu’une ’commission de sages’ étudie l’évolution
de la monarchie vers le modèle suédois
", relève le Trouw (p.4). " C’est
ce que le leader du groupe parlementaire LPF, Herben, va proposer lors du prochain débat
sur la question Mabel
. La LPF a conclu de cette affaire qu’il est possible de
prévenir ce genre de chose en introduisant une monarchie cérémonielle. Dans ce
système, qui existe depuis des années en Scandinavie, le souverain ne fait pas partie du
gouvernement."

" Herben compte au moins sur le soutien du D66 . Ce parti a
entamé une discussion sur la monarchie cérémonielle il y a trois ans. Mais le D66 n’est
pas partisan d’une commission pour le moment, déclare le président du groupe, Dittrich.
Il estime que le moment est mal choisi, parce qu’on réagit maintenant à un ’incident’.
’Et puis nous savons très bien ce que nous voulons, nous n’avons pas besoin d’une
commission pour cela’."

" Le CDA, le VVD, le PvdA et les petits partis protestants
rejettent un changement profond de la monarchie
."

"La date du débat sur l’affaire à la Deuxième Chambre n’est pas
encore connue. La Chambre a jusqu’à demain pour poser des questions écrites au premier
ministre Balkenende et au ministre de l’Intérieur Remkes."

 

Economie, Finances

Pacte de stabilité

En page d’opinion du Volkskrant , le ministre néerlandais des
Affaires économiques, Laurens-Jan Brinkhorst répond à la récente tribune du leader
PvdA Wouter Bos et de ses spécialistes des finances(cf. revue du 8 octobre). Il estime
notamment que "c’est à juste titre que le ministre Zalm insiste sur l’obligation et
la nécessité pour la France de prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour
maîtriser de nouveau le déficit budgétaire". "A l’inverse de MM. Bos, Crone,
Heemskerk et Timmermans, je suis d’avis qu’il n’est pas besoin de rénover le Pacte de
stabilité. C’est plutôt la discussion économique européenne qu’il s’agit d’élargir
[en traitant de questions structurelles]. C’est au nouveau Conseil européen pour la
compétitivité qu’il incombe de le faire. En effet, c’est d’une croissance économique
durable que l’UE a vraiment besoin."

 

Affaires françaises

L’ Algemeen Dagblad (p.6) suit l’affaire du foulard islamique,
sous le titre "Un uniforme au lieu du foulard". Antoinette Reerink s’est
entretenue sur la question avec le ministre délégué à l’Enseignement scolaire, Xavier
Darcos.

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