Revue de presse néerlandaise du jeudi 4 novembre 2004
- NRC Handelsblad d’hier
soir : "Bush est convaincu de sa victoire - Les valeurs morales priment sur
’l’Irak’", "Une lettre indique les motifs religieux du meurtre", "C’est un
péché de tuer un pécheur" (condamnation du meurtre par les organisations
musulmanes) - De Telegraaf :
"L’auteur était le fer de lance d’une cellule terroriste - Arrestation de huit
musulmans radicaux", "Bush nettement vainqueur - Cuisante défaite des
Démocrates", "Hirsi Ali menacée chez elle" - Algemeen Dagblad :
"Possible lien avec Al Qaeda - ’Le meurtrier présumé de Van Gogh est Mohammed
B.’","Bush reçoit les félicitations de Kerry" - de Volkskrant : "Les
Américains élisent George W. Bush - Le président recueille 3,5 millions de
votes de plus que Kerry - Victoire décisive dans l’Ohio - Bush demande aux
partisans de Kerry de le soutenir", "Huit proches du tireur arrêtés", "Les
chrétiens conservateurs battent les jeunes Démocrates" - Trouw : "Un deuxième
mandat pour Bush - Kerry, après sa défaite, met en garde contre un clivage aux
Etats-Unis", "Huit hommes arrêtés dans l’affaire Van Gogh"
* * *
Le dossier du jour
: Elections présidentielles américaines
George W.
Bush a été réélu président des Etats-Unis", écrit le Volkskrant dans son grand
article à la une. "Son rival le Démocrate John Kerry a concédé sa défaite
mercredi vers midi. Bush et Kerry ont tous deux prôné l’unité et la
réconciliation après l’âpre campagne électorale."
"Bush a
remporté les élections de façon plus convaincante qu’il y a quatre ans",
souligne le journal de centre gauche. "Alors que les résultats au Nouveau
Mexique et dans l’Iowa n’étaient pas encore connus, le président en poste a pris
une avance décisive de 274 grands électeurs contre 252 en remportant l’Ohio. Il
faut 270 grands électeurs pour avoir la majorité."
"Il y a quatre ans, son adversaire Al Gore avait obtenu un
demi-million de voix de plus que Bush. Cette fois-ci, le Républicain a recueilli
à la fois plus de grands électeurs et plus de voix que son adversaire. La
différence était de 3,5 millions de voix. Selon l’équipe de campagne du
président, c’est cette performance qui lui a donné le plus de satisfaction. La
légitimité de son élection en 2000 a toujours été mise en doute par les
Démocrates."
Selon
l’éditorialiste du Volkskrant, "il ressort de ce résultat que la révolution
électorale des années quatre-vingts se fait toujours sentir aux Etats-Unis".
"C’est désormais le Parti Républicain, qui a si longtemps été au second plan,
qui donne le ton. Les Démocrates ont perdu la confiance de grands groupes
d’électeurs : les hommes blancs, les catholiques, les gens du Sud. Ce handicap
n’est pas suffisamment compensé à l’échelle nationale par le soutien des
minorités. Cela signifie que les Républicains peuvent l’emporter même avec un
candidat médiocre - cf. George Bush. Les Démocrates, eux, doivent présenter un
candidat de grande classe, comme Bill Clinton."
"L’Amérique est d’humeur conservatrice, ainsi qu’il ressort
de la large approbation dans onze Etats de l’interdiction du mariage homosexuel
(et parfois même du partenariat homosexuel). Mais ces élections ont aussi marqué
de nouveau la grande diversité du pays. Après l’âpre campagne électorale, il est
urgent de faire preuve d’un leadership politique serré. Bush, durant son
deuxième mandat, pourra-t-il se montrer le mobilisateur qu’il affirme être ? La
question est tout d’abord pertinente pour les Américains, mais aussi, en second
lieu, pour les pays qui se savent étroitement liés aux Etats-Unis."
"Les
Républicains ont gagné les élections américaines à tous les niveaux", constate
le Trouw. "Au Sénat ils ont accru leur majorité de deux sièges, à la Chambre des
représentants de quatre. Dans la course principale, celle à la présidence, le
président George Bush a très nettement recueilli le plus de voix - presque
quatre millions de plus que son challenger John Kerry."
"Bush est convaincu de la justesse de ses choix et il a reçu
de l’électorat américain un mandat suffisamment clair pour se sentir conforté
dans cette conviction. Bien que certains espèrent que Bush se montrera plus
’doux’ durant son deuxième mandat, il convient d’en douter fortement. Le
président américain et ses conseillers ont une vision du monde qui n’est
certainement pas partagée par tous, mais qu’ils mettent en pratique avec énergie
avec l’aide minime d’autres pays s’il le faut. Le reste du monde devra
s’accommoder de cette réalité." "L’antiaméricanisme n’est pas une option,
certainement pas pour l’Europe, qui partage trop de valeurs avec les Etats-Unis
même sous la présidence de Bush - pour laisser le fossé s’élargir. Les pays
d’Europe, avec d’autres pays du monde, doivent rechercher beaucoup plus
clairement que les années passées une vision commune. Ce n’est qu’ainsi qu’ils
pourront être crédibles vis-à-vis de Bush."
L’Algemeen
Dagblad s’attend à ce que "Bush poursuive sa politique avec encore plus de
fanatisme maintenant que les Républicains ont accru leur majorité au Congrès".
"C’est dans cette situation confortable que réside le plus grand danger. Il faut
espérer qu’il ne deviendra pas un moraliste à plein temps qui impose à tout le
monde son agenda fondamentaliste chrétien."
"Il risque aussi de faire cavalier seul à l’étranger,
d’autant plus que l’influence modératrice du ministre Powell va disparaître. Si
Bush veut finir sa ’tâche en Irak’, par exemple, il ne peut pas se passer de
l’Europe."
"Bush devra reconnaître qu’il ne peut pas rendre le monde
plus sûr tout seul", remarque aussi le Telegraaf. "Il s’agit maintenant de
coopérer. L’Europe et les Etats-Unis partagent suffisamment de valeurs pour y
arriver."
Actualité intérieure
Theo van Gogh
"Le parti
gouvernemental VVD et le député Wilders condamnent la réaction ’stoïque et
résignée’ du gouvernement au meurtre du cinéaste Theo van Gogh par un musulman
extrémiste", relève le Volkskrant (p.2). "Les autres partis exigent aussi plus
d’informations de la part des ministres directement responsables, Donner
(Justice) et Remkes (Intérieur)."
"Le
président du groupe parlementaire VVD, Van Aartsen, juge ’pudique’ que les
ministres, dans une lettre à la Chambre, considèrent l’attentat meurtrier comme
un acte criminel. Dans le NRC Handelsblad de mercredi, le chef de file VVD parle
de ’djihad dans l’Oosterpark’, en référant à l’endroit où Van Gogh avait été
abattu un jour plus tôt par un homme de 26 ans d’origine marocaine. ’Ces gens ne
veulent pas changer notre société, mais la détruire. Nous sommes leur ennemi. Et
cela, nous ne l’avons plus vu depuis 1940.’ Van Aartsen veut une approche très
dure vis-à-vis des ’éléments dangereux’. ’Les appels au calme du gouvernement
sont beaux, mais il faut aussi agir’."
"L’ex-député VVD Wilders dit que les responsables vont avoir des problèmes
politiques parce que le suspect du meurtre de Van Gogh n’était pas suivi par le
Service général de renseignement et de sécurité (AIVD), alors qu’il en était
connu. Wilders et Van Aartsen veulent que le service de renseignement ne
surveille pas seulement le noyau dur de cent cinquante musulmans
fondamentalistes, mais aussi les gens qui gravitent autour."
"Les partis de coalition CDA et D66 ne donnent pas encore de
qualificatifs à la lettre de Donner et Remkes. ’Mon groupe veut savoir comment
l’AIVD a coopéré avec les autorités amstellodamoises’, déclare le leader D66
Dittrich. Le député CDA Van Haersma Buma trouve inquiétant qu’un deuxième groupe
’capable de tuer’ gravite autour du noyau dur d’extrémistes musulmans."
Sur la même page figure une déclaration d’Ayaan Hirsi Ali (VVD),
qui exprime le "chagrin" que lui cause la mort de Theo van Gogh, mais aussi sa
"colère" parce que les autorités ne lui ont pas imposé une protection dont il ne
voulait pas. "Un homme a été abattu d’une manière atroce, uniquement à cause de
ses opinions. Pour les Pays-Bas, c’est relativement nouveau mais dans les pays
islamiques c’est une réalité quotidienne. Maintenant qu’une partie considérable
de la population néerlandaise est musulmane, il est temps que le gouvernement et
les autorités prennent au sérieux la peur fondée de 70
pour cent de la population (cf. le
dernier rapport du SCP). Cela ne nous dispense pas de souligner constamment
qu’il s’agit encore d’une très petite partie de nos concitoyens islamiques, mais
que l’influence potentielle des extrémistes au sein de ce groupe est grande"
(également page d’opinion du NRC Handelsblad d’hier soir).
En page 6, le Volkskrant publie une interview du professeur
syrien Sadik al-Azm, venu aux Pays-Bas pour recevoir, avec le philosophe iranien
AbdolKarim Soroush et la féministe marocaine Fatema Mernissi, le prestigieux
Prix Erasme pour leurs travaux sur l’islam et la modernité. "Les travaux des
intellectuels, des écrivains, des poètes et des artistes exposent coup sur coup
le point sensible de l’islam et de la modernité. Une affaire éclate alors, qui,
en général, ne s’accompagne pas de violence dans le monde arabe. Quelque temps
après les affaires le niveau de panique et d’émoi redescend au niveau antérieur.
Le meurtre aux Pays-Bas d’un cinéaste connu me semble un incident qu’il ne faut
pas absolument considérer comme un basculement historique." Le terrorisme
musulman ne prendra pas fin rapidement, selon Al-Azm, mais les islamistes ne
l’emporteront pas contre l’Occident et ses valeurs universelles.
"Les Pays-Bas ont changé", constate l’Algemeen Dagblad (p.3)
dans une analyse. "En 2002, les Pays-Bas ont encore pu considérer l’attentat
contre Pim Fortuyn comme un événement choquant, mais unique, causé par un idiot.
Le meurtre de Theo van Gogh est pour beaucoup la preuve que la mort du populiste
de Rotterdam n’était pas un cas isolé." "Les événements de mardi à Amsterdam ont
agrandi la plaie à peine guérie que le meurtre de Fortuyn a causée dans la
société."
Economie, Finances
Budget de
la Culture
La
secrétaire d’Etat à la Culture Van der Laan
(D66) a l’intention de répartir entre les organisations culturelles pour les
jeunes une partie des 10 millions d’euros supplémentaires que la Deuxième
Chambre a dégagés pour le budget de la Culture. Cinekid, huit compagnies de
théâtre pour la jeunesse et la compagnie des jeunes de l’Internationaal
Danstheater pourront se partager 1,7 million d’euros supplémentaires. L’opéra
pour la jeunesse Xynix en profitera le plus : sa subvention annuelle passera de
154 000 à 477 000 euros.
Un autre
choix remarquable de Van der Laan est l’aide accordée au plus ancien atelier de
jeunes sculpteurs, dessinateurs et peintres, Atelier ’63, menacé de disparition
par le retrait de sa subvention. La secrétaire d’Etat lui attribue 700 000 euros
pour les deux prochaines années.
Van der Laan veut d’autre part répartir plus de 5 millions
d’euros entre 45 compagnies des arts de la scène et les musées non subventionnés
ou dont la subvention avait initialement été réduite. Parmi ces musées figurent
le Rembrandthuis, le Kröller-Müller, le Filmmuseum, le Musée national des
antiquités (NRC Handelsblad d’hier soir p.11, Trouw p.5).
Affaires françaises
Le NRC Handelsblad (p.2), dans le cadre du meurtre du
cinéaste et polémiste néerlandais Theo van Gogh, a également pris contact avec
le philosophe et islamologue Olivier Roy. "Roy, qui est fréquemment en visite
aux Pays-Bas, ne connaissait pas les œuvres de Theo van Gogh", souligne la
rédaction du journal. Lorsque le journaliste qui s’est entretenu avec Olivier
Roy lui cite les expressions "baiseurs de chèvres" et "maquereau du Prophète"
(contre Abou Jahjah), un court silence suit. Puis le philosophe dit : "Je ne
crois pas qu’on emploierait très vite ces expressions en France. Mais la
situation est tout à fait différente ici. Nous avons reconnu l’islam comme
religion. La plupart des Français connaissent personnellement des musulmans et
il s’est créé ici une classe moyenne d’immigrés. Nous ne parlons pas tellement
de ’l’islam’, mais surtout d’un problème social et de sécurité : le mauvais
comportement de certains groupes de jeunes musulmans dans les banlieues."