Presse néerlandaise du jeudi 10 novembre 2005

Trois attentats suicide contre des hôtels de luxe à Amman (Jordanie) ont fait une soixantaine de morts et blessé des centaines de personnes, mercredi. Le rejet par la Chambre des Communes du projet de loi antiterroriste du gouvernement Blair complète l’actualité internationale présentée à la une.

-NRC Handelsblad d’hier soir : "Pastors quitte le collège de Rotterdam", "La cotisation maladie sera plus basse que prévu - Les grands assureurs : tarifs identiques", "Le Bijlmer a failli devenir une ’banlieue’" (réaménagement de la cité-dortoir d’Amsterdam)
-Trouw : "Attentats contre des hôtels jordaniens - Au moins 55 morts - Au moins 300 blessés - Les soupçons portent sur Al Qaeda", "Blair subit une défaite inouïe"
-de Volkskrant : "Attentats à Amman : des dizaines de morts", "Pechtold : les commissions consultatives me rendent chèvre", "Le tribunal ordonne le transfèrement des survivants de l’incendie de Schiphol", "Blair subit une grande défaite inattendue à la Chambre basse"
-De Telegraaf : "Un scanneur de plaque minéralogique qui reconnaît tout - Dépistage des voleurs de voitures et des mauvais payeurs", "Attentats contre des hôtels en Jordanie", "La justice redoute la violence des Hells Angels - Surveillance renforcée des logements des enquêteurs"

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NOTRE DOSSIER :Pechtold

"Le ministre de la Rénovation administrative Pechtold veut couper dans les nombreuses commissions consultatives temporaires que les responsables politiques instaurent pour résoudre les questions délicates", annonce le Volkskrant à la une. ’Ces recommandations me rendent chèvre. La situation a complètement dégénéré’, dit le ministre D66, qui parle d’’impuissance de la classe politique’."
"Pechtold estime que les responsables doivent trancher eux-mêmes, après un débat politique public. C’est ce qu’il dit dans une interview qui figure dans le livre Schaduwmacht in de schijnwerpers [le pouvoir fantôme sous le feu des projecteurs] qui sera présenté à La Haye cet après-midi."
"Ce recueil d’essais fait suite à une note d’étude sur les commissions politiques que GroenLinks a publiée il y a un an et demi. Cette note avait suivi l’instauration d’une commission dirigée par l’éminent membre du PvdA Wim Meijer, qui a recommandé d’autoriser l’extraction de gaz naturel en mer des Wadden."
"Selon GroenLinks, les décisions difficiles sont préparées par ce genre de commissions ad hoc opérant à huis clos, après quoi le gouvernement et le parlement reprennent souvent leurs recommandations sans discussion."
"Dans 82 pour cent des cas, les présidents des commissions étaient membres des partis de l’establishment, le CDA, le PvdA, le VVD et le D66. Selon le député GroenLinks Wijnand Duyvendak, il s’agit en l’occurrence d’un petit groupe d’anciens politiques qui entretiennent des liens étroits avec les grandes entreprises privées."
"Pechtold lui aussi est critique concernant le choix des membres des commissions. ’Quand j’y regarde de près je vois un phénomène quelque peu inquiétant. La composition est exactement répartie sur les quatre ou cinq grands partis.’ Selon le ministre, il faut faire appel à davantage d’experts nouveaux et indépendants."
"Selon GroenLinks, Elco Brinkman est la personnalité la plus sollicitée pour les tâches consultatives lourdes. L’éminent membre du CDA figure en tête du Top Dix du ’pouvoir fantôme’ que GroenLinks a dressé à la suite de la parution du livre. Les trois derniers semestres, Brinkman a présidé trois commissions de l’Etat, notamment celle chargée de se pencher sur le Zuidas d’Amsterdam [axe de développement longeant l’A10]. GroenLinks juge cette nomination ’très curieuse’, parce que Brinkman préside également l’organisation patronale du bâtiment, qui a de grands intérêts financiers dans le Zuidas, ’y compris la répercussion des risques sur l’Etat’."
"Il est apparu récemment que 297 commissions sont actives pour les pouvoirs publics. Cet inventaire a été dressé à la suite de la commotion suscitée par la rémunération de l’ex-leader GroenLinks Rosenmöller à la tête d’une de ces commissions."

ACTUALITE INTERIEURE

Quartiers déshérités

Une réflexion comparative sur les quartiers à problèmes en France et aux Pays-Bas apparaît dans une partie de la presse, à la suite des désordres dans les banlieues françaises.

"Les Pays-Bas ne connaissent pas de banlieues comme en région parisienne, où de grandes émeutes ont éclaté fin octobre", écrit le NRC Handelsblad d’hier soir à la une. "Les Pays-Bas n’ont pas de quartiers aussi vastes, à l’architecture aussi monotone, aussi isolés des centres urbains et peuplés d’autant d’habitants sans formation particulière et au chômage."
"Un quartier qui, naguère, ressemblait un peu aux banlieues françaises est le Bijlmer à Amsterdam, dit Jeroen Singelenberg, ’responsable de la Lutte contre la Dégradation’ au sein du Groupe directeur des Expériences de Logement (SEV). Mais même le Bijlmer n’existe plus sous sa forme initiale. Des années de restructuration ont requinqué ce quartier." "’Nous avons découpé le Bijlmer en petits morceaux’, résume Singelenberg. ’Ils restent quelques mauvais immeubles, mais ils ne sont plus déterminants pour l’offre de logements, comme c’est le cas en France’."
"La France, de toute façon, n’a guère connu de restructuration à grande échelle des quartiers d’après-guerre, comme aux Pays-Bas, déclare Joop Boogaard, directeur de la corporation locative De Nieuwe Unie, à Rotterdam. ’En France, la classe politique a abandonné les banlieues à leur sort’, dit Boogaard, qui a visité les banlieues parisiennes. ’Autour de Paris il y a au moins quinze Bijlmer où l’on a laissé la dégradation suivre son cours. Il est extrêmement attristant de voir dans quelles conditions les gens y sont logés. C’est solliciter les difficultés’."
"C’est ce que dit aussi Leeke Reinders, urbaniste auprès de l’institut de recherche OTB de l’Université technique de Delft, qui a étudié la banlieue parisienne de Sarcelles, en 1998 et 2001. ’Des rumeurs disant que cela irait mal circulaient déjà au moment de la construction, dans les années soixante’, dit-il."

En page d’opinion du Volkskrant, le chroniqueur politique Marcel van Dam juge "inévitable de poser la question : des émeutes comme celles qui ont éclaté en France peuvent-elles aussi se produire chez nous ?" "Il faut répondre par oui, même sans émeutes en France. D’ailleurs nous en avons déjà eu." "Mais les désordres des années soixante étaient relativement bon enfant. Alors qu’on lançait de vraies bombes à l’étranger, il s’agissait de bombes fumigènes chez nous. L’extrémisme est surtout verbal aux Pays-Bas. Des centaines d’années de cohabitation de minorités nous ont appris qu’il vaut mieux vivre et laisser vivre. Le cloisonnement était fondé sur cet accord informel : ’si tu ne t’occupes pas de mes affaires, je ne m’occuperai pas des tiennes’."
"Mais cette culture de pacification a subi de plus en plus de pressions avec l’arrivée [d’importants groupes] d’immigrants." "Les inévitables tensions sont aggravées par l’isolement et la discrimination spécifique des immigrés ethniques."
Depuis 2001, fait valoir l’ancien député PvdA, la société néerlandaise a connu "un changement dramatique". "La communauté musulmane, en particulier, a fait l’objet d’une constante approche dénigrante et hostile. Les grands partis de droite essaient d’exploiter politiquement le mécontentement des autochtones en usant d’un discours musclé vis-à-vis des allochtones. Et la politique d’intégration de la ministre Verdonk vise moins à intégrer les allochtones qu’à marquer des points auprès de la population autochtone. Personne n’a semblé remarquer que la ministre qui est sensée rapprocher les allochtones et les autochtones est le plus populaire auprès de ceux qui préféreraient renvoyer tous les allochtones dans leur pays d’origine."
"Les frustrations peuvent s’exprimer par un comportement apathique, la révolte, l’extrémisme ou la délinquance. D’une façon ou d’une autre, notre société devra finir par en payer le prix, et plus les frustrations s’accumulent, plus l’explosion risque d’être forte."
"Il vaudrait peut-être mieux que ces frustrations s’expriment rapidement aux Pays-Bas, pas à la manière française, mais plutôt comme dans les années soixante, avec des bombes fumigènes au lieu d’incendies de voitures. Mais avec suffisamment de force pour bien faire réfléchir tout le monde."

"L’approche française, qui vise à l’assimilation explicite, est populaire et présente certainement des avantages", remarque le Financieele Dagblad (p.5) en se référant à Meindert Fennema, professeur à l’Institut des migrations et des études ethniques (Imes) de l’Université d’Amsterdam. "’Mais le modèle républicain est plus formel, plus fermé et donc aussi plus dur et moins équitable que le modèle néerlandais. Nous préférons la poldérisation multiculturelle et nous recherchons le consensus. Cela porte ses fruits, même si on ne les voit pas immédiatement’."

Bolkestein

L’ancien eurocommissaire Frits Bolkestein, dans son discours inaugural de professeur de "fondements intellectuels des développements politiques" à l’Université de Leyde et à l’Université technique de Delft, mercredi, a exposé sa vision de l’Europe. "S’il n’y a pas d’identité européenne claire qui distingue l’Union européenne d’autres régions, quel est le ciment qui soude l’Union ? L’inspiration des pères fondateurs a disparu, la magie de la première heure s’évapore. Le dialogue des Etats membres à Bruxelles est un dur combat pour l’argent, le pouvoir et l’influence. Le ciment de l’UE, ce sont les intérêts nationaux. Tous les Etats membres ont intérêt à ce que l’Union perdure."
"Il n’y aura jamais de Fédération européenne. Il n’y aura pas de politique étrangère européenne non plus. Est-ce grave ? Pas pour les Britanniques, toujours soucieux de diluer l’Union. Ils veulent un marché intérieur et pour le reste s’occuper de leurs propres affaires. C’est grave pour les Français, qui aiment parader sur la scène mondiale sous nos applaudissements à tous. Ils dédaignent ce qu’ils appellent ’une grande Suisse’. Pour les Allemands, c’est de la Kleinstaterei [comportement de petit Etat]. En ce qui me concerne, j’en ai assez de la Grossstaterei [comportement de grand Etat]. Life, liberty and the pursuit of happiness me suffisent."

Gretta Duisenberg

"Gretta Duisenberg est de nouveau au centre d’une affaire de propos antisémites", relève le Telegraaf à la une. "L’activiste propalestinienne risque des poursuites pénales pour offenses et discrimination des juifs, en raison de propos tenus durant le programme télévisé Het zwarte Schaap [la brebis galeuse] qui sera diffusé samedi. Mme Duisenberg s’y plaint de la communauté juive néerlandaise. ’Ils ne doivent pas penser qu’ils peuvent annexer Amsterdam, comme la Cisjordanie’, dit-elle notamment."
Des habitants juifs d’Amsterdam-Zuid l’invectiveraient régulièrement dans la rue et dans les restaurants qu’elle fréquente des clients juifs demanderaient à la direction de lui en interdire l’accès.
"Mme Duisenberg est soutenue durant le programme télévisé par l’ancien premier ministre Dries van Agt. Tous deux manifestent de la compréhension pour les attentats suicide de terroristes palestiniens."

AFFAIRES FRANÇAISES

L’ensemble de la presse évoque factuellement les comparutions immédiates à la suite des émeutes et l’option de l’expulsion des condamnés avancée par le ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy (NRC Handelsblad d’hier soir pp.1 et 5, Trouw pp.1 et 8, Het Financieele Dagblad p.5, de Volkskrant p.5). Le NRC Handelsblad, en page d’opinion, reprend une tribune du sociologue Alain Touraine parue dans Le Monde, le Volkskrant des extraits d’un article du ministre de l’Intérieur sur la stratégie suivie depuis quatre ans par le gouvernement, également dans Le Monde.

Dernière modification : 10/11/2005

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